La célèbre marque de moto a fait le choix d’externaliser la gestion de ses données clients chez un prestataire spécialisé. Black Tiger met à disposition de Honda une plateforme spécialisée dans le traitement des données personnelles.
par Alain Clapaud
Tout le monde connaît les motos Honda. Mais on sait moins que la marque japonaise est le premier motoriste au monde, avec une production qui va des motos et des voitures jusqu’aux tondeuses, en passant par les moteurs de bateau et de jets. Entreprise japonaise s’il en est, Honda cultive une forte culture d’entreprise qui s’appuie sur les chiffres et « la data », comme l’a rappelé Fabrice Recoque, Directeur de la division motocycles de Honda France lors de la conférence Big Data Paris 2020.
« Un Japonais ne prend pas en considération l’émotion dans ses prises de décision, il s’appuie sur les chiffres. Et il a besoin de cohérence dans ces chiffres pour valider une stratégie », constate-t-il.
Or ce qui est valable pour la stratégie industrielle du constructeur l’est tout autant pour son marketing numérique, ou pour assurer la qualité de ses données clients. En France, pour arriver à relever ces défis, Fabrice Recoque explique qu’il a fait le choix de se tourner vers un prestataire spécialisé, Black Tiger.
Cette société de services parisienne qui compte une soixantaine de personnes édite la solution « 2i », un ERP dédié à la gestion de l’ensemble des données personnelles. Baptisée « Personal Data Platform », la solution intègre un modèle de qualité des données, des fonctions liées à la conformité au RGPD et un moteur de règles métier.
Un fichier géant à fort potentiel
Le directeur de Honda justifie ce choix de l’externalisation : « le métier de Honda n’est pas de traiter de la donnée, c’est de fabriquer des produits. Nous avions des bases avec les coordonnées de nos clients, des immatriculations, des factures : énormément de données brutes qui ne nous servent à rien dans ce format », liste-t-il. « C’est un fichier géant dans lequel nous collectons ces informations. Mais l’important pour nous est de pouvoir rapidement extraire ces données et pouvoir en tirer des enseignements ».
La culture industrielle de Honda implique aussi un fonctionnement de type PDCA (Plan Due Check Act) : il faut pouvoir immédiatement capter l’information, l’analyser et en tirer des enseignements le plus rapidement possible. « L’analyse de ces données est clé pour nous. C’est à la fois un moyen de gagner du temps et en agilité : on doit pouvoir réaliser des extractions à tout moment pour disposer d’analyses rapidement ». Honda France s’est alors tourné vers Black Tiger, car le discours du prestataire correspondait bien à ce besoin d’exploiter très directement la donnée dans les décisions.
Thibault Leigné, Chief of Staff chez Black Tiger, confirme la teneur de cette collaboration. « Le cas de Honda est intéressant, car il est assez classique. Honda dispose de données très silotées. Il s’est posé la question de ses usages, et quelle valeur tirer de ces données. Une stratégie Data n’a de sens que si l’on crée de la valeur, et Honda s’est focalisé sur les usages et sur quels allaient être les leviers de démultiplication de sa performance ».
Une vision 360° du client pour le marketing de Honda
Comme beaucoup de grandes entreprises, Honda a initié une stratégie pour avoir une vue 360° du client. Mais la largeur de l’offre produit du constructeur implique des profils clients très différents. (Mais pas toujours.)
Sur le papier, l’acheteur d’un taille-haie n’a en effet rien à voir avec celui qui s’offre une Goldwing six cylindres à plat à 37 000 €. Mais c’est parfois le cas.
En analysant l’ensemble du portefeuille client, Honda espère recouper les informations pour optimiser sa communication avec ses clients et ses prospects, dans un contexte où un internaute peut à tout moment considérer un message comme du spam et « blacklister » la marque. En outre, des données de meilleure qualité permettent à la marque d’optimiser ses ciblages et améliorer l’efficience de ses investissements marketing dans un contexte difficile, où les industriels doivent absolument maîtriser leurs dépenses.
Lors de son intervention, Fabrice Recoque a révélé que la marque collecte des données client depuis une cinquantaine de sources différentes (depuis la saisie de la commande chez le concessionnaire, jusqu’à la carte grise, en passant par l’organisme financier qui a accordé le prêt). Ce sont en tout une cinquantaine de flux qui convergent vers cette base et qui doivent être traités par Black Tiger.
À la recherche des « Back to Ride »
Pour le directeur de la division motocycles, l’objectif numéro un de cette base client est d’identifier les « Back to Ride », ces anciens motards qui ont passé le permis moto, étant jeunes, mais qui n’ont plus de moto depuis un certain temps. « On estime entre 1 et 1,5 million le nombre de ces profils en France. Nous menons une recherche active pour les trouver. Si on garde l’estimation basse, un million de motards représente cinq années de production ! Pour nous, les constructeurs de motos, il y a là une quête importante, sous couvert de la réglementation. C’est un axe de croissance extrêmement important. Mais sans la data, on ne peut y parvenir ».
Outre cette multiplicité de sources de données hétérogènes, une spécificité du projet Honda portait sur la qualité des données à intégrer. « Le sujet est de savoir s’il s’agit d’un nouveau client, d’un nouveau motard ou de gens qui reviennent à la moto (les “Back to Ride”). Et s’il s’agit de nouveaux clients de quelle marque viennent-ils ? » explique Thibault Leigné de Black Tiger.
« Historiquement, les équipes de Fabrice [Recoque] s’appuyaient sur des données déclaratives et sur celles de la carte grise. Or cette donnée n’est renseignée que dans 20 % des cas ». C’est par exemple le cas des cartes grises qui mentionnent l’établissement de crédit et non pas celui de l’utilisateur réel de la moto. « Les décisions prises se fondaient sur seulement 20 % des données réelles, donc tout l’enjeu d’une plateforme telle que la nôtre est d’agréger la donnée, pour appuyer les décisions sur un volume de données beaucoup plus représentatif ».
Une plateforme pour aller encore plus loin que le RGPD
Une autre dimension du projet Honda était de s’assurer de la conformité des données personnelles avec le RGPD… ou plutôt avec les règles en vigueur chez Honda qui vont au-delà du règlement européen.
« Entreprise japonaise oblige, les normes internes sont drastiques. Nous avons créé un RGPD interne baptisé RPP qui est encore plus protecteur pour le consommateur », explique Fabrice Recoque. « Nous ne voulons prendre aucun risque avec les données personnelles. Nous ne voulons absolument aucun conflit avec le client ».
Ainsi, le renouvellement du consentement a été fixé tous les 6 mois, notamment lorsque la donnée provient du concessionnaire. « C’est une règle de gouvernance internationale pour le groupe à l’échelle européenne. Nous devons l’appliquer ainsi que notre prestataire Black Tiger ».
Les règles définies par la politique de protection des données de Honda sont une lecture assez stricte de la réglementation. Le rôle de l’éditeur est donc aussi d’identifier les marges de manœuvre, pour permettre au marketing de faire son travail sans se retrouver en porte-à-faux par rapport à la réglementation.
Pour le directeur de Honda France, mieux connaître le client doit permettre de lui adresser des communications non intrusives et optimiser la communication avec lui, quand et uniquement s’il le souhaite. Une approche du marketing empreinte d’harmonie et de courtoisie. En résumé : une approche à la japonaise.